Poesia

Jean Cocteau: Un amigo duerme

octubre 11, 2024


«El poeta es exacto. La poesía es exactitud. Desde Baudelaire, el público ha comprendido, poco a poco,
que la poesía es uno de los medios más insolentes de decir la verdad…»
JC

Mi recuerdo al artista francés en el aniversario de su muerte.

«Un amigo duerme»

(Fragmentos)

Tus manos por las sábanas eran mis hojas muertas.
Mi otoño era un amor por tu verano.
El viento del recuerdo resonaba en las puertas
de lugares que nunca visitáramos.

Permití la mentira de tu sueño egoísta
allá donde tus pasos borra el sueño.
Crees estar donde estás. Qué triste nos resulta
estar donde no estamos, así siempre.

Tu vivías hundido dentro de otro tú mismo,
abstraído a tal punto de tu cuerpo
que eras como de piedra. Duro para el que ama
es tener un retrato solamente.

Inmóvil, desvelado, yo visitaba estancias
a las que nunca ya retornaremos.
Corría como un loco sin remover los miembros:
el mentón apoyado sobre el puño.

Y, cuando regresaba de esa carrera inerte,
te encontraba aburrido, con los ojos cerrados,
con tu aliento y con tu enorme mano abiertos,
y tu boca rebosante de noche…

Jean Cocteau

Poema completo en francés:

«Un ami dort»

Tes mains jonchant les draps étaient mes feuilles mortes.
Mon automne aimait ton été.
Le vent du souvenir faisait claquer les portes
Des lieux où nous avons été.

Je te laissais mentir ton sommeil égoïste
Où le rêve efface tes pas.
Tu crois être où tu es. Il est tellement triste
D’être toujours où l’on n’est pas.

Tu vivais enfoncé dans un autre toi-même
Et de ton corps si bien abstrait,
Que tu semblais de pierre. Il est dur, quand on aime,
De ne posséder qu’un portrait.

Immobile, éveillé, je visitais les chambres
Où nous ne retournerons point.
Ma course folle était sans remuer les membres,
Le menton posé sur mon poing.

Lorsque je revenais de cette course inerte,
Je retrouvais avec ennui,
Tes yeux fermés, ton souffle et ta main grande ouverte,
Et ta bouche pleine de nuit.

Que ne ressemblons-nous à cet aigle à deux têtes,
À Janus au double profil,
Aux frères Siamois qu’on montre dans les fêtes,
Aux livres cousus par un fil ?

L’amour fait des amants un seul monstre de joie,
Hérissé de cris et de crins,
Et ce monstre, enivré d’être sa propre proie,
Se dévore avec quatre mains.

Quelle est de l’amitié la longue solitude ?
Où se dirigent les amis ?
Quel est ce labyrinthe où notre morne étude
Est de nous rejoindre endormis ?

Mais qu’est-ce que j’ai donc ? Mais qu’est-ce qui m’arrive ?
Je dors. Ne pas dormir m’est dû.
À moins que, si je dors, je n’aille à la dérive
Dans le rêve où je t’ai perdu.

Dieu qu’un visage est beau lorsque rien ne l’insulte.
Le sommeil, copiant la mort,
L’embaume, le polit, le repeint, le resculpte,
Comme Égypte ses dormeurs d’or.

Or je te contemplais, masqué par ton visage,
Insensible à notre douleur.
Ta vague se mourait au bord de mon rivage
Et se retirait de mon cœur.

La divine amitié n’est pas le fait d’un monde
Qui s’en étonnera toujours.
Et toujours il faudra que ce monde confonde
Nos amitiés et nos amours.

Le temps ne compte plus en notre monastère.
Quelle heure est-il ? Quel jour est-on ?
Lorsque l’amour nous vient, au lieu de nous le taire,
Vite, nous nous le racontons.

Je cours. Tu cours aussi, mais à contre machine.
Où t’en vas-tu ? Je reviens d’où ?
Hélas, nous n’avons rien d’un monstre de la Chine,
D’un flûtiste du ciel hindou.

Enchevêtrés en un au sommet de vos crises,
Amants, amants, heureux amants…
Vous être l’ogre ailé, niché dans les églises,
Autour des chapiteaux romans.

Nous sommes à deux bras et noués par les âmes
(C’est à quoi s’efforcent les corps.)
Seulement notre enfer est un enfer sans flammes,
Un vide où se cherchent les morts.

Accoudé près du lit je voyais sur ta tempe
Battre la preuve de ton sang.
Ton sang est la mer rouge où s’arrête ma lampe…
Jamais un regard n’y descend.

L’un de nous visitait les glaces de mémoire,
L’autre les mélanges que font
Le soleil et la mer en remuant leurs moires
Par des vitres, sur un plafond.

Voilà ce que ton œil intérieur contemple.
Je n’avais qu’à prendre ton bras
Pour faire, en t’éveillant, s’évanouir le temple
Qui s’échafaudait sur tes draps.

Je restais immobile à t’observer. Le coude
Au genou, le menton en l’air.
Je ne pouvais t’avoir puisque rien ne me soude
Aux mécanismes de ta chair.

Et je rêvais, et tu rêvais, et tout gravite.
Le sang, les constellations.
Le temps qui point n’existe et semble aller si vite,
Et la haine des nations.

Tes vêtements jetés, les plis de leur étoffe,
Leur paquet d’ombre, leurs détails,
Ressemblaient à ces corps après la catastrophe
Qui les change en épouvantails.

Loin du lit, sur le sol, une de tes chaussures
Mourait, vivait encore un peu…
Ce désordre de toi n’était plus que blessures.
Mais qu’est-ce qu’un dormeur y peut ?

Il te continuait. Il imitait tes gestes.
On te devinait au travers.
Et ne dirait-on pas que ta manche de veste
Vient de lâcher un revolver ?

Ainsi, dans la banlieue, un vol, un suicide,
Font un tombeau d’une villa.
Sur ces deuils étendu, ton visage placide
Était l’âme de tout cela.

Je reprenais la route, écœuré par le songe,
Comme à l’époque de Plain-Chant.
Et mon âge s’écourte et le soleil allonge
L’ombre que je fais en marchant.

Entre toutes cette ombre était reconnaissable.
Voilà bien l’allure que j’ai.
Voilà bien, devant moi, sur un désert de sable,
Mon corps par le soir allongé.

Cette ombre, de ma forme accuse l’infortune.
Mon ombre peut espérer quoi ?
Sinon la fin du jour et que le clair de lune
La renverse derrière moi.

C’est assez. Je reviens. Ton désordre est le même.
Tu peux seul en changer l’aspect.
Où l’amour n’a pas peur d’éveiller ce qu’il aime,
L’amitié veille avec respect.

Le ciel est traversé d’astres faux, d’automates,
D’aigles aux visages humains.
Te réveiller, mon fils, c’est pour que tu te battes.
Le sommeil désarme tes mains.

Jean Cocteau

Nació en Maisons-Laffitte, el 5 de julio de 1889.
Poeta, novelista, dramaturgo, pintor, ocultista, diseñador, crítico y cineasta francés.
Fue elegido miembro de la Academia francesa el 3 de marzo de 1955 y miembro honorario del Instituto Nacional de Artes y de Letras de Nueva York desde 1957.
Murió en Milly-la-Forêt, cerca de Fontainebleau, el 11 de octubre de 1963, a causa de un infarto de miocardio, pocas horas después de enterarse del fallecimiento de su gran amiga Édith Piaf.

También de Jean Cocteau en este blog:

«Jean Cocteau: Un amigo duerme»: AQUÍ

«Jean Cocteau: Los perros ladran a lo lejos…»: AQUÍ

«Jean Cocteau: Mediodía»: AQUÍ

«Jean Cocteau: El poeta de treinta años»: AQUÍ

Bibliografía poética:

La lampe d’Aladin, 1909
Le prince frivole, 1910
La danse de Sophocle, 1912
Le Cap de Bonne-Espérance, 1918
L’Ode à Picasso, 1919 — Oda a Picasso
Poésies – 1917-1920 – 1920
Vocabulaire, 1922
Plain-chant, 1923
Cri écrit, 1925
Prière mutilée, 1925
L’Ange Heurtebise, 1926
Opéra, 1927
Morceaux choisis, poèmes, 1926-1932, 1932
Mythologie, 1934
Énigme, 1939
Allégories, 1941
Poèmes écrits en allemand, 1944
Léone, 1945
La crucifixion, 1946
Poèmes, 1948
Anthologie poétique de Jean Cocteau, 1951
La nappe du Catalan , 1952
Le chiffre sept, 1952
Appogiatures, 1953
Dentelle d’éternité, 1953
Clair-obscur, 1954
Poèmes, 1916-1955, 1956
Paraprosodies précédées de 7 dialogues, 1958
Gondole des morts, 1959
Cérémonial espagnol du phénix, suivi de La partie d’échecs, 1961
Le Requiem, 1962
Poemas – (Edición biligüe – traducida por Ahmed el-Boab) en 2000.

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